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le portrait de Melle de Chartres ES1

Publié le

Introduction : (présentation du texte et situation du passage) La Princesse de Clèves est aujourd’hui considérée comme le « premier roman psychologique » français. Mme de la Fayette, en effet, insère sa fiction dans un cadre historique, le règne d’Henri III. Après avoir dressé un tableau de la cour, la narratrice présente l’héroïne éponyme qu’elle ne cessera d’analyser ainsi que les autres personnages tout au long de son œuvre. Le portrait de Melle de Chartres permet au lecteur de connaître les éléments essentiels concernant la jeune fille.

En quoi ce passage permet-il de construire le personnage et d’exprimer la vision du monde de son auteur ?

I.Le portrait d’un personnage idéalisé

1.Le choix du point de vue omniscient

Dans ce roman, la narratrice adopte un point de vue omniscient (cad qu’elle dispose de toutes les informations sur les personnages, y compris leurs pensées intimes) comme le montre l’emploi de la 3ème personne du singulier et les différents détails donnés au lecteur. L’héroïne est présentée comme soumise au regard des autres (cf champ lexical de la vue : parut, yeux, voir) lors de sa présentation à la Cour, qui était une sorte de rite de passage car la jeune fille entrait alors sur le « marché du mariage ».

2.Un effet d’attente

Cependant, la narratrice délivre ce qu’elle sait de son personnage de manière progressive. Mme de Lafayette ne livre pas d’emblée le nom de l’héroïne. C’est au contraire par une sorte d’énigme que débute le portrait : « Il parut alors une beauté à la cour… » (emploi d’un article indéfini qui préserve anonymat). Ensuite, la narratrice se livre à un retour en arrière (analepse) en mentionnant le passé de son héroïne. Ceci permet de donner les éléments de résolution de l’énigme : on apprend qu’elle était de la même maison que le vidame de Chartres.

La fin du texte renvoie au début, et l’image, un instant interrompue, de l’entrée de Mlle de Chartres dans ce lieu où les regards jouent un rôle essentiel, revient au premier plan : Lorsqu’elle arriva, le vidame alla au devant d’elle.

3.Une héroïne parfaite

La première désignation de l’héroïne est une métonymie : une beauté, reprise par une beauté parfaite et la grande beauté. Elle est l’incarnation de la beauté.

Sa description physique demeure très vague. On évoque seulement la blancheur de son teint, ses cheveux blonds, la régularité de ses traits. On insiste également sur sa jeunesse dans sa seizième année. Tous ces éléments reflètent les critères de la beauté de l’époque : l’héroïne est proche d’une princesse de conte de fées. Il s’agit d’un portrait stéréotypé qui ne permet pas d’individualiser le personnage.

L’héroïne est vraiment idéalisée grâce à plusieurs procédés :

-la narratrice insiste sur l’admiration que Melle de Chartres suscite à la Cour : elle attira les yeux de tout le monde, elle donna de l’admiration, le vidame fut surpris de la grande beauté… ; l’on doit croire que c’était une beauté parfaite, puisqu’elle donna de l’admiration dans un lieu où l’on était si accoutumé à voir de belles personnes.

-nombreux procédés hyperboliques : la jeune fille est présentée comme surpassant tous les autres membres de la Cour comme le montre l’emploi des superlatifs. tout, parfaite, une des plus grandes, extraordinaires, extrême, un des grands partis, extrêmement, la grande beauté, que l’on n’a jamais vu qu’à elle, tous.

Le caractère exceptionnel du personnage concerne aussi son statut social : une des plus grandes héritières de France, un des grands partis qu’il y eut en France. L’idéalisation touche également sa mère, dont le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires.

  • Personnage stéréotypé tant Melle de Chartres semble parfaite. Mélange d’aspects précieux (hyperboles) et de style classique (ne pas trop en dire mais suggérer). Mais ce qui va individualiser l’héroïne, c’est l’éducation qu’elle a reçue.

II.Une éducation hors du commun

1.Une mère extraordinaire pour l’époque

Mme de la Fayette présente la mère de l’héroïne comme un modèle de conduite comme le montre l’insistance sur ses qualités morales : « vertu », « mérite extraordinaire ».

De plus, la narratrice insiste sur la singularité de cette mère qui ne ressemble à aucune autre. Ainsi, en témoigne le jugement péjoratif porté sur les éducations habituellement prodiguées aux jeunes filles : « La plupart des mères s'imaginent qu'il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes pour les en éloigner. ». L’antithèse qui suit présente la méthode pédagogique différente de Mme de Chartres : « Madame de Chartres avait une opinion opposée ».

2.Une éducation sentimentale singulière

Les choix de Mme de Chartres en matière d’éducation sentimentale sont originaux pour l’époque. En effet, plutôt que de passer sous silence l’amour et ses conséquences, elle va en parler à sa fille. C’est une éducation paradoxale puisqu’elle insiste sur ce qui est dangereux : l’amour.

Il s’agit d’une description objective de l’amour qui n’omet ni les aspects positifs ni les aspects négatifs. Ainsi sont employées de nombreuses antithèses qui opposent les plaisirs et les dangers de l’amour : « agréable/dangereux » ; énumération qui illustre les multiples comportements néfastes des hommes : « le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité, les malheurs domestiques où plongent les engagements » vs l’avantage d’une vie vertueuse « quelle tranquillité suivait la vie d'une honnête femme, et combien la vertu donnait d'éclat et d'élévation à une personne qui avait de la beauté et de la naissance ».

3.L’importance capitale de la vertu

Les mots « honnêteté » et « vertu » sont les piliers de l’éducation donnée par Mme de Chartres à sa fille. Au XVIIème siècle, le mot « honnête » signifiait « conforme au devoir, à la vertu » et nécessitait donc l’association des qualités du corps, de l’esprit et des mœurs. Le mot « vertu », étymologiquement, désignait à la fois le courage et la force morale.

La vertu est donc un idéal aristocratique, source de vraie noblesse et de grandeur (« combien la vertu donnait d’éclat et d’élévation ») qui nécessite une attitude héroïque (difficile, extrême défiance, grand soin). Ainsi, Mme de Chartres incite sa fille à se méfier d’elle-même : « Mais elle lui faisait voir aussi combien il était difficile de conserver cette vertu, que par une extrême défiance de soi-même, et par un grand soin de s'attacher à ce qui seul peut faire le bonheur d'une femme, qui est d'aimer son mari et d'en être aimée. » : personne n’est à l’abri de la passion.

III.Une vision pessimiste de la condition féminine

1.Une conception assez sombre de l’amour

-les hommes sont présentés comme des êtres menteurs et séducteurs qui cherchent à provoquer la déchéance des jeunes filles : cf champ lexical du mensonge « tromperies » « infidélités » « peu de sincérités »

Le seul refuge est l’amour conjugal, qu’il faut bien distinguer de la passion : ce qui seul peut faire le bonheur d’une femme […] est d’aimer son mari et d’en être aimée. Mais cet amour est présenté comme une maîtrise permanente de soi et comme perpétuellement en danger.

2.La cour, le lieu de toutes les tentations, un piège tendu

cour = régie par des règles strictes (étiquette, bienséance, honneur,...),

lieu qui interdit toute intimité (vie privée confondue avec vie publiq)

exposit° permanente aux regards scrutateurs des autres (qui attira les yeux de tout le monde, 220)

Arrivée à la cour d'1 mère qui l'a quittée depuis lgtps (228)

qui a l'air d'avoir oublié à quel pt ses valeurs et les moeurs de la cour st éloignées

→ entrée de Mlle de Ch s'apparente à une véritable "descente ds l'arène" :

très gde beauté + inexpérience = proie toute désignée. L’éducation de Mme de Chartres va-t-elle faire le bonheur de sa fille ou, au contraire, va-t-elle la conduire à sa perte ?

CCL : Ce portrait réalisé par une narratrice omnisciente permet au lecteur de faire la connaissance de l’héroïne éponyme. Personnage stéréotypé rassemblant toutes les perfections, Melle de Chartres se distingue néanmoins par l’éducation sentimentale originale prodiguée par sa mère. Celle-ci est alors le reflet d’une vision pessimiste de la condition féminine sous le règne d’Henri III où les jeunes filles, prises au piège de la Cour et de ses dangers, n’ont d’autres choix que l’amour conjugal ou d’être déshonorées par la passion.

Le début du roman provoque des attentes de lecture : on veut savoir si Melle de Chartres va rester vertueuse en étant une femme mariée exemplaire ou si elle va devenir une femme adultère.

Un exemple d’une éducation opposée à celle proposée par Mme de Chartres est, par exemple, présente dans une célèbre pièce de Molière : L’école des femmes : Agnès, tenue à l’écart de tous et de l’amour succombe aux charmes du premier jeune homme qu’elle rencontre, malgré la surveillance sévère d’Arnolphe.

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